Michel Grunewald

Michel Grunewald

 

Un témoin engagé de la renaissance de l’Allemagne : Robert d’Harcourt et les Allemands (1945—1958) (Résumé)

 

Le germaniste Robert d’Harcourt (1881—1965), titulaire de la chaire de littérature et de langue allemandes à l’Institut catholique de Paris, avait été parmi ses pairs l’un des ceux qui mirent en lumière avec le plus de constance les dangers que faisait courir à l’Europe et au monde le régime national-socialiste. Après avoir participé à la Résistance en mettant notamment sa plume au service du réseau « Témoignage chrétien », il reprit son activité d’observateur de l’Allemagne à visage découvert dès janvier 1945. Pendant les vingt années qui suivirent, il publia dans Etudes, La Croix, Dokumente, La Revue de Paris, Le Figaro etc. plus de 250 articles qu’il regroupa ensuite dans 8 ouvrages, dont 6, parus entre 1945 et 1955, font l’objet de la présente étude. Ces ouvrages destinés au public français constituent le fruit d’observations faites sur le terrain et de la fréquentation d’étudiants, d’intellectuels, d’hommes politiques et de journalistes souvent proches des milieux catholiques et de la démocratie chrétienne naissante. La méthode qu’utilise Robert d’Harcourt ne varie pas au fil des livres publiés : à travers la présentation de témoignages et l’exploitation de publications qu’il cite souvent en abondance, il incite ses lecteurs à se forger une opinion de leurs voisins. Tout en prenant largement appui sur des représentations très répandues à l’époque, sa perception des Allemands n’est pas figée et se modifie au fil de l’évolution de l’Europe et de l’Allemagne. Les premiers ouvrages dont il est question ici, Comment traiter l’Allemagne et Le nazisme peint par lui-même (1946), constituent des tentatives d’explication du phénomène nazi destinées au grand public et à la jeunesse estudiantine ; fortement empreints de l’émotion suscitée par les crimes nazis, ils présentent le phénomène hitlérien comme l’aboutissement de l’histoire allemande. L’ouvrage qui leur fait suite, Visage de l’Allemagne actuelle (1948), propose lui aussi un tableau brossé sans concessions, mais laisse percevoir une inflexion du discours de l’auteur envers une partie des Allemands – qu’il estime néanmoins très minoritaire – et marque déjà, à travers le choix des témoignages retenus, le désir de se projeter dans un avenir commun aux Allemands et aux autres Européens. En exprimant ces espoirs timides, Robert d’Harcourt se fait l’interprète auprès des Français des efforts d’un certain nombre d’intellectuels – en majorité catholiques – qu’il côtoie régulièrement depuis 1945. C’est également le cas dans les trois ouvrages qu’il publie entre la naissance de la République fédérale et 1955, Visage de l’Allemagne actuelle (1950), L’Allemagne est-elle inquiétante ? (1954) et Konrad Adenauer (1955). Ici, tout en restant prudent et en continuant à recourir à une série de stéréotypes connus, d’Harcourt exhorte ses lecteurs à donner leur chance aux Allemands, surtout après les élections de 1953 qui prouvent à ses yeux que Bonn n’est pas Weimar. Pour lui, la situation de la nouvelle Allemagne est certes loin d’être stabilisée et il ne masque pas certaines craintes à long terme ; mais il estime aussi que la construction de l’Europe doit permettre de ne pas transformer en obsession la vigilance nécessaire vis-à-vis d’un peuple qui doit encore confirmer sa conversion à la démocratie.

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